La pollution : un danger pour le cerveau des enfants
Par
Thomas Cavaillé - le 31/03/2015
Les populations urbaines très exposées à la
pollution pourraient développer des troubles du comportement et des
capacités cérébrales réduites, indique une étude.
Les polluants atmosphériques ne sont pas
qu'accusés de risques cancérigènes chez les adultes et de problèmes
respiratoires chez les enfants, ils perturberaient aussi le
développement de l'embryon. Selon une étude
publiée fin mars dans la revue en ligne Jama Psychiatry, les enfants
ayant été fortement exposés aux hydrocarbures aromatiques polycycliques
(HAP) à l'état de fœtus auraient des impacts visibles sur le cerveau,
qui pourraient se traduire par des troubles du comportement et une
altération des capacités cognitives.
Derrière le nom barbare
d'hydrocarbure aromatique polycyclique se cachent des molécules d'une
très forte toxicité, qui n'ont aucun mal à traverser le placenta pour
endommager le cerveau fœtal. La majorité de ces neurotoxiques
atmosphériques se forment par la combustion d'énergies fossiles, comme
le bois et le charbon, de matière organique donc de tabac, et de
carburant automobile. La quantité d'HAP dans l'air est donc fonction de
la pollution et les citadins y sont plus confrontés.
Qualité de l'air pour l'embryon puis pour l'enfant
Menée
par Frederica Perera, directeur du centre pour la santé
environnementale des enfants à l'université de Colombia aux États-Unis,
l'étude a été réalisée sur 720 femmes enceintes des minorités urbaines
de New York, se définissant elles-mêmes comme «Africaine-Américaine» ou
Latino-Américaine». Non-fumeuses pour ne pas fausser les résultats, les
futures mères en fin de grossesse ont enregistré pendant 48 heures leur
taux d'exposition aux polluants à l'aide d'un appareil de surveillance
de l'air.
Le suivi de l'expérience s'est ensuite effectué sur 40
enfants issus de ces grossesses, nés entre 1997 et 2006. Choisis
aléatoirement, 20 d'entre eux avaient été exposées à des doses faibles
d'HAP pendant leur développement embryonnaire, les 20 autres à des doses
élevées. À l'âge de 5 ans, leur propre taux d'exposition aux HAP a été
mesuré par analyse d'urines, et entre 7 et 9 ans ils ont tous passé un
IRM (imagerie par résonance magnétique) du cerveau, des tests
comportementaux et de QI.
Les PAH altèrent la substance blanche du cerveau
L'exposition
aux polluants provoquerait des troubles sévères chez l'enfant,
notamment un ralentissement des capacités intellectuelles et des
problèmes de comportement comme une hyperactivité, un déficit de
l'attention et un mal-être social pouvant être à l'origine de violences
ou de dépressions. D'après les IRM, c'est en impactant directement le cerveau que les polluants induiraient ces troubles, et les répercussions seraient proportionnelles à l'exposition.
En
effet les IRM ont montré une diminution importante de la surface de la
substance blanche du cerveau en cas d'exposition aux HAP. Plus
l'exposition était importante, plus la substance blanche était réduite,
et plus l'enfant présentait des troubles du comportement et un
ralentissement des capacités mentales lors des tests. Lorsque
l'exposition aux HAP était prénatale (à l'état d'embryon), la réduction
de substance blanche était concentrée sur l'hémisphère gauche. Quand
l'exposition était forte pendant l'enfance, c'est la zone préfrontale du
cerveau qui présentait une forte diminution.
«La substance
blanche forme un réseau de fibres qui assurent et protègent le transport
de l'information entre les corps cellulaires des neurones de la matière
grise. Si cette substance est altérée, le message est perturbé, moins
rapide, et le réseau fragilisé», explique Bernard Sablonnière,
professeur de neurobiologie à la faculté de Lille. Si la substance
blanche est réduite dans la partie gauche du cerveau, qui contient entre
autres les zones impliquées dans le langage, et dans la région
préfrontale, zone de la décision et du raisonnement, les effets sur le
comportement peuvent être majeurs.
Peut-être d'autres particules à accuser
«Les
HAP ne sont que des marqueurs de la pollution, de nombreux autres
composés dangereux peuvent être à l'origine des effets observés, comme
les nanoparticules ou les gaz», prévient Pascale Chavatte-Palmer, chef
d'équipe en biologie du développement et reproduction au centre INRA de
Jouy en Josas.
L'équipe de Frederica Perera compte néanmoins
poursuivre les recherches avec un échantillon plus important pour
valider ces résultats. Si ceux-ci sont avérés, que les HAP ou d'autres
particules soient mis en cause, l'enjeu sera de santé publique puisque la moitié de la population est aujourd'hui urbanisée et confrontée quotidiennement à la pollution.
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