Ce blog rassemble des publications sur les graves dangers qui menacent à court terme notre magnifique planète. Puisse-t-il permettre une réelle et durable prise de conscience face à une catastrophe imminente. Vous y trouverez également des conseils pratiques pour mieux vivre en harmonie avec notre environnement...
mardi 7 avril 2015
La fonte du permafrost, une BOMBE climatique à venir.
Une
équipe franco-canadienne se penche sur la fonte de sols gelés toute
l'année en Arctique. Un phénomène qui pourrait accélérer fortement le
réchauffement de la planète.
À genoux dans la neige, le scientifique sort
de sa mallette une sonde de mesure de température, qu'il raccorde à un
boîtier électronique avant de l'insérer avec précaution dans la fine
couche de poudreuse qui recouvre le sol. Malgré une température
approchant les - 23 °C dans cette région du Grand Nord canadien, Florent
Dominé, chercheur du CNRS en poste à l'université Laval, à Québec, est
engoncé dans son épaisse parka bleu vif et ne semble absolument pas gêné
par le froid piquant. Il procède méticuleusement à des mesures de
température de la neige à des hauteurs différentes: en surface puis à
quelques centimètres de profondeur, près du sol gelé.
Dans ce
froid polaire, c'est au réchauffement climatique que s'intéresse le
chercheur français. Et plus particulièrement à l'impact potentiellement
catastrophique de la fonte du pergélisol (permafrost en anglais), ces
millions de kilomètres carrés de sols qui restent gelés toute l'année.
Ils contiennent d'immenses quantités de carbone qui pourraient s'ajouter
aux émissions mondiales de gaz à effet de serre.
«Le pergélisol piège le carbone organique, en congelant les plantes et les animaux morts, explique Florent Dominé.Certaines
études estiment que les sols gelés de l'Arctique contiennent 1 700
milliards de tonnes de carbone, ce qui en fait la plus grande réserve
continentale. Cela dépasse ce qui est contenu dans les stocks cumulés de
charbon, de pétrole et de gaz naturel qui demeurent dans le sous-sol.»
Or,
avec le réchauffement en cours depuis la deuxième moitié du XXe siècle,
le permafrost commence à fondre, et l'eau liquide permet aux bactéries
de transformer le carbone en gaz carbonique (CO2) et en méthane (CH4)
qui sont émis dans l'atmosphère. Ces deux gaz sont les moteurs les plus
puissants de l'effet de serre, ce qui va entraîner une accélération du
réchauffement, donc de la fonte du permafrost, et ainsi de suite…
Phénomène que les spécialistes appellent une «boucle de rétroaction
positive».
«L'un des
problèmes est que personne ne sait exactement quelle quantité de carbone
risque d'être rejetée dans l'atmosphère par la fonte du pergélisol,
pointe le scientifique français. Et pour ajouter à l'incertitude, les
grands modèles climatiques qui servent au Giec à
évaluer la hausse possible de température d'ici la fin du XXIe siècle
ne prennent pas en compte l'effet des réservoirs gelés.» Au lieu d'une
hausse globale de 4 °C d'ici à 2100, d'après certains scénarios, il
faudrait plutôt tabler sur + 5 °C, allant peut-être jusqu'à + 8 °C, si
le permafrost dégèle et rejette le carbone qu'il recèle.
Pour tenter de réduire les incertitudes sur la fonte du permafrost, la Fondation BNP Paribas a financé à hauteur de 800 000 dollars sur trois ans un programme de recherche qui va être mené par l'unité mixte internationale de recherche Takuvik,
collaboration du CNRS et de l'université Laval à Québec. Afin d'aider à
modéliser la fonte du permafrost, Florent Dominé travaille plus
précisément sur l'impact de la couverture neigeuse sur le sous-sol gelé.
Voilà ce qui lui vaut de se retrouver à genoux dans la poudreuse, à
quelques kilomètres au sud de Kuujjuarapik, un petit village du Québec peuplé par 200 Inuits et Indiens Cris, à l'embouchure de la Grande Rivière de la Baleine sur la baie d'Hudson.
La
fonte du permafrost a déjà commencé autour de Kuujjuarapik, par 55° de
latitude nord dans une région que les Québécois appellent le «moyen
Nord» (car situé au sud des régions arctiques). Les zones gelées en
permanence ne subsistent plus que par quelques taches isolées dans le
paysage. Un dégel visible même quand la région est recouverte de neige,
grâce à la présence de petites dépressions circulaires, des petites
mares gelées, parsemant la toundra enneigée.
Mais cette fois, c'est sur une
autre formation typique des paysages périglaciaires, une palse, butte de
glace recouverte de tourbe, que Florent Dominé fait ses mesures. Un
type de paysage qui lui permet d'illustrer facilement l'effet potentiel
de la couverture neigeuse sur la fonte du permafrost.
Sur le haut
de la butte, la neige est soufflée et compactée par le vent, et la
température relevée au sol est de - 9 °C. Mais entre deux buttes, à
l'abri du vent, la neige est à la fois plus épaisse et moins compactée ;
et si la température de l'air y est proche de - 20 °C, celle qu'on
relève au niveau du sol n'est que de - 1 °C, proche du dégel. «La neige
est un excellent isolant thermique, avec une efficacité comparable à
celle du polystyrène, précise le chercheur. Mais son pouvoir isolant
varie en fonction de son épaisseur et de sa densité.» À la fin de
l'hiver, le sol compris entre les deux buttes aura été moins refroidi
que le sommet et sera donc bien plus susceptible de fondre lors de
l'été, quand les températures repasseront au-dessus de 0 °C.
Un
effet similaire, qui va être étudié par l'équipe franco-canadienne,
risque de se produire avec la croissance d'arbustes dans la toundra,
favorisée par le réchauffement. En effet, la neige qui s'accumule entre
les épinettes et les arbustes est bien plus épaisse et poudreuse que
celle qui n'est pas entourée de végétation. Le refroidissement du sol y
est donc ralenti en hiver, ce qui favorise le dégel. Il s'agit
potentiellement d'une «nouvelle boucle de rétroaction positive» qui
pourrait à son tour accélérer la fonte du permafrost.
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