Gaspillage alimentaire : un rapport préconise l’interdiction de jeter pour la grande distribution
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Par Laetitia Van Eeckhout
Face au gaspillage alimentaire, « les bonnes volontés ne suffisent plus ». Diminuer de moitié ce gâchis d’ici à 2025, ainsi que l’a énoncé le Parlement européen en 2012, « exige une évolution des modes de production et de consommation » et « une véritable mobilisation collective », assure Guillaume
Garot. Le député PS de Mayenne, missionné en octobre par le premier
ministre Manuel Valls, devait rendre, mardi 14 avril, aux ministres de
l’écologie, Ségolène Royal, et de l’agriculture, Stéphane Le Foll, ses
propositions sur la lutte contre cette « dérive ».
Si le Pacte national « anti-gaspi », lancé en juin 2013 alors qu’il était ministre délégué à l’agroalimentaire, a suscité un début de prise de conscience, il faut désormais « passer à une vitesse supérieure et mettre chacun devant ses responsabilités », estime-t-il, depuis le producteur agricole jusqu’au consommateur, en passant par les transformateurs et les distributeurs.
En
France, ce sont entre 20 et 30 kg de nourriture qui sont jetés chaque
année par habitant, et 140 kg par personne sur l’ensemble de la chaîne
alimentaire. L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
(Ademe) estime à 159 euros par an et par personne la valeur de
l’alimentation ainsi perdue, soit entre 12 et 20 milliards d’euros
gaspillés au total. D’un point de vue tant éthique, qu’économique et
écologique, « la destruction des denrées comestibles n’est plus acceptable », martèle Guillaume Garot.
Voir aussi notre infographie : Chaque année, 1,3 milliard de tonnes de nourriture gaspillée
Interdiction de jeter pour la grande distribution
Première mesure du rapport : l’interdiction de jeter l’alimentation pour la grande distribution. « Cette interdiction est légitime car il existe un éventail de solutions permettant d’éviter le gaspillage, insiste l’ancien ministre délégué à l’agroalimentaire.
Il s’agit d’une obligation à mieux gérer ses stocks et ses rayons, et
ensuite à valoriser ses invendus sous forme de don, de recyclage en
alimentation animale ou d’énergie. »
Si une échéance de mise en œuvre « raisonnable »
est nécessaire pour bâtir les filières de valorisation, cette
interdiction doit, estime-t-il, être assortie de sanctions en cas de
non-respect ou de mauvaise foi manifeste.
Don obligatoire des invendus consommables
Corollaire de l’interdiction, Guillaume Garot propose de rendre obligatoire le don des invendus alimentaires consommables « dès lors qu’une ou plusieurs associations caritatives en font la demande ».
Et d’instaurer des contreparties – telles que la mesure des quantités
données et de leur qualité – à la défiscalisation à laquelle donne droit
un tel don. « Le don doit être directement exploitable par les associations, soutient -il. Celles-ci ne doivent pas avoir besoin – ce qui est souvent le cas aujourd’hui –
de trier les denrées qui leur ont été cédées pour séparer ce qui est
consommable et ce qu’il ne l’est plus (dates de péremptions dépassées,
fruits et légumes écrasés…). »
Ce faisant, l’ancien ministre
délégué préconise de rendre possible pour les industriels de
l’agroalimentaire le don des produits de marque de distributeurs
refusés. « Aujourd’hui, une palette de produits refusée,
parce qu’elle arrive une heure en retard ou qu’un pack est mal étiqueté,
doit être détruite alors même que la qualité sanitaire des produits
n’est pas remise en cause, s’offusque-t-il. Il y a là un
gisement considérable de denrées alimentaires qui pourraient être
données. Chaque année, quelque 4 000 tonnes de produits laitiers sous
marque distributeur, soit plus de 30 millions de pots de yaourts, sont
ainsi détruits ! »
De la même façon, le rapport veut empêcher
la destruction des produits non conformes pour date de péremption
dépassée, mauvaise conservation ou manipulation… Et dès lors interdire
la pratique consistant à dénaturer de telles denrées alimentaires en les
aspergeant d’eau de javel, ou de toute autre substance, pour les rendre
impropres à la consommation. « Cette pratique fréquente soustrait
des aliments encore consommables à un don potentiel, ou toute
valorisation en alimentation animale ou dans des circuits de
méthanisation », insiste le député.
Voir aussi notre grand format : Les glaneurs des villes
« Surmonter les blocages culturels »
Vendredi 10 avril, à l’occasion de l’examen du projet de loi Macron, les sénateurs avaient déjà adopté à l’unanimité un amendement
défendu par la centriste Nathalie Goulet permettant aux magasins de
commerce de détail, d’une surface supérieure à 1 000 mètres carrés, de « mettre
en place une convention d’organisation de la collecte sécurisée des
denrées alimentaires invendues encore consommables au profit d’une ou
plusieurs associations d’aide alimentaire ». « Cet amendement
va dans le bon sens. Il consacre une reconnaissance par la loi du don
alimentaire et permet dès lors sa généralisation. La lutte contre le
gaspillage alimentaire n’avait jamais jusqu’alors été mentionnée dans
l’arsenal législatif », se félicite Guillaume Garot.
Le député, qui estime également nécessaire de « surmonter le blocage culturel » à la pratique du « doggy bag », appelle au final à « une véritable politique publique » de lutte contre le gaspillage alimentaire, « sans quoi on en restera en France à la pétition de principe ». Une
politique qui devra s’appuyer, au même titre que la sécurité routière
ou la santé, sur une vaste campagne de communication nationale, « pour casser les évidences ».
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