Centrales nucléaires : démantèlement impossible ?
LE MONDE TELEVISION
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Hervé Kempf
Le nucléaire devrait fournir des sujets aux documentaristes pendant
au minimum quelques centaines d'années. Car le problème essentiel de
l'énergie nucléaire est celui-ci : quoi qu'il arrive, ses conséquences
sur les sociétés humaines seront très durables, en raison de la
radioactivité qu'elle génère. De nouvelles enquêtes télévisées apportent
des lumières originales sur un sujet qu'on pourrait croire rebattu.
C'est le cas de ce film très intéressant réalisé par Bernard Nicolas,
qui s'intéresse au sort des réacteurs nucléaires parvenus en fin de
durée de fonctionnement. Ils sont près de quinze chaque année dans le
monde.
Le problème, comme le montre de manière très pédagogique le film avec
des reportages en France, en Allemagne et aux Etats-Unis, est que
l'industrie ne maîtrise pas cette technique difficile.
Pourquoi si difficile ? Parce que, après trente à quarante ans de
production d'électricité par la fission de l'atome, tous les matériels
intégrés dans le réacteur sont irradiés à un degré plus ou moins
important. La technique de démontage s'avère très délicate si l'on veut
éviter la contamination des travailleurs. De même, il faut ensuite
enfermer très soigneusement les différents matériaux et liquides
radioactifs pour éviter qu'ils contaminent l'environnement.
"PAS DE FUITE AVANT 300 000 ANS"
De surcroît, le démantèlement crée un problème de stockage des pièces
de la centrale devenues déchets radioactifs. Le plus souvent, elles
seront stockées aux abords mêmes de la centrale. Pour combien de temps ?
"Au moins vingt ans, précise Jay Hyland, directeur de la sécurité nucléaire de l'Etat du Maine, aux Etats-Unis, probablement trente-cinq à quarante ans, ou peut-être même cent ans... Je ne sais pas."
L'espoir des nucléaristes serait de les enfouir sous terre. Mais là
non plus, rien n'est vraiment maîtrisé. Dans la mine de sel d'Asse, en
Allemagne, on a commencé il y a quarante ans à enfouir des déchets
nucléaires. En 2004, la montagne de granit voisine a commencé à bouger
et le site d'enfouissement à se fissurer. Et il faut y injecter du béton
en permanence. On prépare un autre site dans une mine de fer à Konrad.
"Dans le pire des scénarios, assure Anja Schulte-Lutz, de l'Office fédéral contre les radiations, il n'y aura pas de fuite avant 300 000 ans." Mais, observe l'écologiste Udo Dettmann, "on
nous a dit il y a quarante ans qu'Asse était sûr, et l'on s'est trompé.
On n'est pas certain que, dans quarante ans, on ne nous dira pas de
nouveau qu'on s'était trompé."
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Hervé Kempf
Journaliste au Monde
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