La fonte du permafrost a commencé !
Selon une nouvelle étude anglaise relevée par l’AFP, le permafrost (ou pergélisol) gelé en permanence pourrait commencer à se dégeler d’ici 10 à 30 ans. Mais, selon Michel Allard, chercheur au centre d’études nordiques de l’Université Laval (Québec, Canada), cette fonte a déjà commencé.
Michel Allard, chercheur au centre d’études
nordiques de l’Université Laval est un homme de terrain. Il étudie les
impacts du dégel du permafrost sur les écosystèmes et les communautés
arctiques depuis quelques dizaines d’années. Son travail montre que la fonte de la glace Arctique réchauffe l’atmosphère et les terres aux alentours, entraînant le dégel du permafrost.
Pour bien comprendre le phénomène, il faut
revenir à la physique de base. Le permafrost (ou pergélisol) est un sol
qui se maintient sous 0°C depuis des dizaines, des centaines, et même
des milliers d’années. Il contient de la glace sous diverses formes
dépendant de sa formation, des changements climatiques
passés, des mouvements d’eau souterraine, de l’érosion et de la
sédimentation. Le permafrost est aussi en partie composé de carbone
organique. Au niveau mondial, les deux premiers mètres du pergélisol
contiendraient 1670 gigatonnes de carbone, alors que l’atmosphère n’en
contiendrait que 730 gigatonnes. S’il était amené à fondre, ces immenses
quantités de gaz à effet de serre seraient relâchées, menaçant la Terre
d’un réchauffement accéléré.
Comment le permafrost fond-il ?
Pour qu’il y ait du pergélisol, il faut que
la température moyenne annuelle de surface du sol soit inférieure ou
égale à 0°C. Avec le réchauffement climatique en Arctique, la
température est plus souvent supérieure à 0°C, ce qui entraîne
l’augmentation du dégel de la couche supérieure de pergélisol, dite
« couche active ». Plus la température augmente, plus cette couche va
dégeler (la couche active augmente), et plus le gradient géothermique va
être bouleversé, ce qui va entraîner une fonte de plus en plus élevée
de ce pergélisol. « Si ce réchauffement dure de nombreuses années, le
profil va se tasser vers les valeurs les plus chaudes, la couche active
va devenir très profonde au point que le regel annuel de surface ne se
fera plus », alerte Michel Allard.
La plus grande épaisseur connue de pergélisol se situe au Nunavik, au nord du Québec. Elle atteint 632 m de profondeur. « Le
réchauffement climatique a déjà commencé à infléchir le profil [du
gradient géothermique] vers des valeurs un peu moins fortes », confie Michel Allard. Sur une station, « la couche active faisait environ 6 mètres lorsque les mesures ont commencé, à présent elle atteint quasiment 20 mètres », précise-t-il.
Selon le chercheur, le dégel du pergélisol
entraîne des glissements de terrain, la formation de nouveaux lacs (lacs
de thermokarst) et des affaissements de terrain. Au nord du Canada, les
lacs de thermokarst formés par la fonte du pergélisol, deviennent des
écosystèmes aquatiques émetteurs de méthane. « Dans ces lacs de thermokarst, les bactéries digèrent le carbone et deviennent des sources de méthane importantes », affirme Michel Allard. « C’est une transformation qui nous amène vers une production de gaz à effet de serre accrue »,
insiste-il. Entre 1957 et 2005, le suivi par image satellite y montre
l’augmentation du nombre de lacs, avec 51% de pergélisol en moins et 60 %
d’expansion des lacs et arbustes. L’ensemble des écosystèmes y est
bouleversé.
Des impacts sur les communautés du nord
Le pergélisol supporte les écosystèmes,
mais aussi les infrastructures humaines des communautés locales. Afin de
construire les installations nécessaires à ces communautés et protéger
l’environnement, il est indispensable de connaître les propriétés du
pergélisol : granulométrie, teneur en glace, structure interne de la
glace grossière (cryotexture) et régime thermique.
Lorsque les bâtiments sont mal conçus, la
chaleur se transmet au sol et fait fondre le pergélisol. Ensuite, les
bâtiments se déforment et s’affaissent. Le chercheur québécois a
d’ailleurs une belle collection de photographies de casernes, maisons ou
garages affaissés à cause de ces erreurs de constructions. Il explique
que la meilleure solution pour éviter que cela ne se reproduise à
l’avenir est de surélever systématiquement les bâtiments et d’utiliser
des thermosiphons (des tubes qui circulent sous le bâtiment et procèdent
par échange de chaleur).
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire