jeudi 16 avril 2015

Ecocide : bientôt un crime puni par la loi

Le mouvement pour une justice poursuivant l’écocide prend de l’ampleur

14 novembre 2014 / Aline Aurias (Reporterre)



Les 13 et 14 octobre, s’est tenue la conférence End Ecocide on Earth. Après le semi-échec de l’initiative citoyenne du même nom, cet événement a lancé une campagne mondiale réclamant une justice internationale pour l’environnement. Près de 150 experts et citoyens de différents pays européens ont travaillé ensemble à des propositions concrètes pour atteindre cet objectif.

- Bruxelles, reportage
À l’heure où se multiplient grands projets inutiles et exactions environnementales, des rapports de la Commission européenne montrent que la criminalité environnementale devient la troisième plus rentable après les trafics de drogues et d’êtres humains.
Pourtant le cadre juridique actuel ne permet pas de répondre à la gravité de ces crimes. Un terme, cependant, les décrit parfaitement : écocide, du grec ancien oikos, la maison, et du latin caedere signifiant démolir, tuer. Littéralement, la destruction de notre habitat.
Ce mot, encore nouveau dans la sphère publique, pourrait bientôt modifier en profondeur la vie politique européenne. Car le collectif citoyen End Ecocide on Earth entend faire reconnaître l’écocide comme un crime international contre la Paix, dont les responsables seraient jugés en droit pénal.




Si la première action du groupe, l’initiative citoyenne européenne lancée en janvier 2013 et ayant récolté 130 000 signatures selon le collectif, n’a pas atteint le million de signataires nécessaire pour inviter la Commission européenne à proposer une nouvelle législation sur le sujet, c’est principalement faute de moyens de communication. Le mouvement ne s’est pas essoufflé pour autant, comme le prouve la conférence organisée mi-octobre à Bruxelles et hébergée au cœur des institutions européennes, dans les locaux du Comité économique et social européen.
Venus de toute l’Europe, les participants s’y sont rassemblés autour d’experts internationaux afin de faire le point sur l’écocide et de mettre en forme une proposition législative détaillée pour une justice environnementale. Prisca Merz, l’initiatrice du mouvement, a résumé ainsi le mot d’ordre de leur stratégie : « Sans principe de responsabilité, la démocratie ne peut fonctionner ».

Faire de l’écocide un crime à part entière

Le concept d’écocide est discuté depuis plus de quarante ans par les instances européennes, comme l’a précisé Damien Short, de l’Université de Londres. Sa première apparition remonte à l’utilisation de l’agent orange lors de la guerre du Vietnam. Mais le Statut de Rome, qui a défini en juillet 1998 le fonctionnement de la Cour pénale internationale de La Haye, traite uniquement du crime environnemental, définit comme outil de guerre pour perpétrer un génocide.
L’objectif d’End Ecocide on Earth est de faire de l’écocide non pas une sous-catégorie de crime de guerre mais un crime à part entière, englobant le temps de paix et engageant la responsabilité individuelle des dirigeants, politiques ou économiques.
« La question du crime d’écocide est difficile parce qu’elle est au croisement du droit pénal, du droit international et du droit de l’environnement », a expliqué Laurent Neyret, directeur d’un groupe de travail sur la question à l’Université de Versailles. Il en a rappelé les enjeux, qui sont évidemment d’ordre économique et environnementaux, mais aussi sanitaire (lors de la grippe aviaire, des oiseaux importés en contrebande pourraient avoir été à l’origine de la dissémination du virus) et sécuritaire, du fait de l’investissement de cette criminalité par des mafias.
Pour faire prendre conscience aux États et citoyens de la réalité de ces crimes, le Bureau européen de l’environnement (BEE) a mis en place Ejolt, un atlas de justice environnementale. Travail collaboratif s’appuyant sur un réseau international de scientifiques, activistes et avocats, cette carte compile plus de 1.200 conflits, présentés dans le détail avec les communautés, entreprises et mouvements de résistance impliqués, les surfaces menacées, enjeux finançiers à l’oeuvre...

- Mine à ciel ouvert de Hambach en Allemagne -

Au total, plus de cent paramètres permettent d’augmenter la visibilité de ces conflits et de mettre en réseau les acteurs. Nick Meynen, responsable de la communication du bureau a profité de la conférence pour présenter en avant-première la carte dédiée aux écocides.
Une première table ronde faisait suite à ces conférences plénières. Elle a été l’occasion de témoignages soulignant l’étroitesse des liens entre protection des droits humains et de l’environnement. C’est ce que résume le sous-titre de la conférence : « Les générations futures dépendent des décisions présentes ».
Une seconde rencontre montrait que mettre entreprises et gouvernements face à leurs reponsabilités et soutenir les investissements durables permettrait d’empêcher les écocides.
L’avocat Roger Cox a illustré la situation en présentant le cas qu’il défend, le procès que 900 citoyens hollandais ont intenté à leur gouvernement pour non contribution à la réduction de 40 % des gaz à effet de serre d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990 (objectif fixé par les pays industrialisés lors de la conférence de Cancun en 2010).

Amplifier le mouvement

Pour conclure la journée, la juriste de droit international Valérie Cabannes, porte-parole d’End Ecocide, a présenté les voies d’actions pour continuer le mouvement, à commencer par la poursuite de la diffusion de la Charte de Bruxelles.
Cet appel, co-écrit avec neuf organisations et lancé au Parlement européen à la fin janvier 2014, demande l’établissement d’une Cour pénale européenne et internationale pour l’environnement et la santé. Ouverte à signature par les ONG et les citoyens, cette charte sera remise au secrétaire général des nations unies, Ban Ki-Moon, lors de la conférence climat COP21 en décembre 2015 à Paris, ainsi qu’au président de la Commission Européenne et au président du Conseil Européen.



La deuxième voie d’action, plus concrète, repose sur la préparation par un groupe d’experts scientifiques et juridiques d’une proposition d’amendement révisant le statut de la Cour pénale internationale et lui donnant compétence sur ces crimes contre l’environnement et la santé. Le processus de révision du statut de Rome demande simplement qu’un état membre propose l’amendement au secrétaire des Nations Unies, qui mettra alors la proposition à l’ordre du jour de la prochaine conférence de révision, prévue en 2017.
Reste à convaincre un des Etats de porter la demande. D’ici là, le dernier volet du plan d’action du collectif est de monter une campagne de mobilisation sociale massive pour peser dans les négociations de la conférence sur le climat.

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Frédéric, 47 ans et citoyen du monde.