Les frênes pourraient bientôt disparaître en France
INFOGRAPHIE - Un champignon pathogène qui fait dépérir cette espèce est déjà présent dans tout le nord du pays.
En France et dans toute l'Europe, les ormes
ont été rayés de la carte entre les années 1970 et 1990, à cause de la
graphiose, une redoutable maladie véhiculée par un champignon
microscopique. Or, cela pourrait bientôt être le tour des frênes. Ces
beaux arbres au feuillage flamboyant en automne sont en effet attaqués
par une nouvelle espèce de champignon baptisée Chalara fraxinea.
Les
symptômes de la chalarose du frêne sont caractéristiques. Le champignon
pénètre dans l'arbre par les feuilles, dont il provoque le
flétrissement. Il gagne ensuite les ramures, qui se nécrosent, le bois
prenant alors une teinte grise. Les jeunes arbres meurent rapidement
tandis que les vieux sujets dépérissent lentement. Plusieurs essais
d'inoculation ont montré que le champignon est très virulent. Dans les
zones infestées, la totalité des jeunes frênes issus de graines ayant
germé naturellement sur place sont décimés.
L'impact de ce fléau
sur le paysage pourrait être considérable, car il y a quinze fois plus
de frênes qu'il n'y avait d'ormes dans les années 1970. C'est la
cinquième essence en France après le chêne, le hêtre, le charme et le
châtaignier. On en trouve partout, dans les forêts, les haies, les parcs, en ville dans les jardins.
La
disparition des frênes devrait être moins foudroyante que celle des
ormes, mais elle semble inexorable, reconnaît-on à la Direction de la
santé des forêts (DSF), au ministère de l'Agriculture. Même si,
contrairement à ce qui s'est passé pour les ormes, un petit nombre
d'individus semblent résister à la maladie (entre 2 % et 5 %), ce ne
sera pas suffisant pour maintenir les peuplements. «Ces arbres
résistants pourront peut-être éviter la disparition totale de l'espèce
d'ici quelques décennies», estime Claude Husson, chercheur à l'Inra
(Nancy). L'Office national des forêts a d'ores et déjà recommandé de
suspendre toute plantation de frênes en France. Il n'y a en effet aucun
moyen de lutte contre le champignon.
Apparue
pour la première fois en Pologne à la fin des années 1990, la chalarose
sévit maintenant dans une vingtaine de pays d'Europe. Au Danemark, 90 %
des frênes ont déjà disparu. Son origine est inconnue. Signalée pour la
première fois en 2008 en Haute-Saône, elle a maintenant contaminé 29
départements du nord et de l'est du pays. La progression du champignon
est estimée à près de 150 km par an par la DSF. Les arbres de la
capitale sont déjà touchés. Un foyer a été repéré cette année dans la
Manche, il devrait constituer un nouveau foyer dans l'ouest du pays
jusqu'alors épargné.
«En 2008, quand nous avons constaté l'ampleur
des dégâts en Haute-Saône, il y avait de quoi être affolé», se souvient
Benoît Marçais, de l'Inra (Nancy). La menace avait été complètement
sous-estimée. En Europe de l'Est, où elle est apparue, la chalarose
avait d'abord été attribuée à la sécheresse. De fait, aucune mesure de
quarantaine n'a été prise en Europe, ce qui a favorisé la diffusion de
la maladie et maintenant il est trop tard. «Beaucoup de plants de frênes
commercialisés par les pépiniéristes proviennent encore directement de
Pologne», déplore Benoît Marçais. Les Anglais viennent d'en faire l'amer
constat.
Pour les scientifiques, Chalara fraxinea est une espèce
envahissante qui emprunte les chemins de la mondialisation. Mais ses
spores voyagent aussi très bien avec le vent. «Rien n'arrête le
champignon, il s'attaque aux arbres isolés aussi bien qu'à ceux qui
poussent au milieu d'autres essences», souligne Claude Husson. Face à
cette situation, les autorités ont demandé aux forestiers de ne pas
céder à la panique et de ne pas abattre tous leurs frênes. Non
seulement, ils risqueraient d'inonder le marché du bois mais aussi
d'éliminer des arbres potentiellement résistants.
L'Angleterre sur le pied de guerre
POUR
éviter la diffusion de la chalarose, les autorités britanniques ont
interdit en début de semaine toute importation de plants de frênes venus
d'Europe continentale. C'est le seul moyen d'éviter «une horrible
menace pour nos 80 millions de frênes», déclare Owen Paterson, le
ministre de l'Environnement, dans le Times. En effet,
beaucoup des plants commercialisés en Grande-Bretagne proviennent de
pays européens où sévit cette maladie qui provoque le lent et inexorable
dépérissement des arbres. En 2009, alors que la virulence du champignon
était déjà connue, des plants ont été importés du Danemark, un pays
pourtant déjà très contaminé. Ce type d'échanges est encore fréquent sur
le continent, où aucune quarantaine n'a été mise en place.
Les
autorités britanniques ont pris cette décision alors que, pour la
première fois, plusieurs foyers d'infection ont été signalés la semaine
dernière dans l'East Anglia, à l'est du pays. Pour éviter toute
diffusion du champignon pathogène, près de 100.000 frênes situés à
proximité d'arbres atteints par la maladie ont été abattus et brûlés.
Une opération identique pourrait aussi être décidée dans le Kent, dans
le sud du pays. Les Anglais sont très attachés à la flore et à la faune
sauvage et les associations de protection de la nature s'inquiètent déjà
de l'impact de l'éventuelle disparition du frêne sur les autres
espèces. «Que vont devenir les campanules, les primevères ou l'ail
sauvage?» s'interroge l'un de ses représentants dans le Times .
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